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Seder ha-Tefilot le-Taʻaniyot (London : W. Justins, 1792-1793)

La famille Hart

Aaron Hart (1724-1800) est né à Londres (Angleterre) de Juifs ashkénazes originaires de Bavière. Ils avaient adopté un nouveau nom de famille afin de mieux s’intégrer à la société britannique. Aaron est devenu le premier colon juif permanent du Québec, arrivant en 1760 en tant qu’officier de l’armée britannique. Bien que d’autres soldats juifs aient déjà été déployés en Amérique du Nord britannique, il s’est installé de façon permanente à Trois-Rivières en 1761. En 1763, il était nommé maître de poste.

Hart s’est intégré à la trame même de l’histoire du Québec dans de nombreux domaines. En 1760, il est devenu l’un des premiers francs-maçons juifs d’Amérique du Nord. Ses investissements dans la traite des fourrures lui ont permis d’acheter plus de sept seigneuries, dont une grande partie du territoire entourant Trois-Rivières. Il y a ouvert un magasin qui se consacrait également aux prêts commerciaux et immobiliers. À mesure que la richesse de la famille Hart augmentait, son statut social s’améliorait : Aaron et son épouse Dorothea Catherine ont même reçu le prince Edward, père de la future reine Victoria, ainsi qu’un envoyé du pape.

En 1775, Hart a joué un rôle actif dans les opérations militaires de la guerre d’indépendance américaine, notamment en contrecarrant une tentative d’invasion du Canada.

Cependant, le rôle le plus connu de Hart est celui de fondateur de la congrégation Shearith Israël de Montréal, qui devait devenir la Synagogue hispano-portugaise d’aujourd’hui. Bien que ce fait semble en contradiction avec son héritage ashkénaze, les Juifs britanniques étaient alors principalement sépharades, et il faudra attendre un autre siècle pour que la vague massive d’immigration juive ashkénaze arrive à Montréal.

Le fils d’Aaron, Ezekiel (1770-1843), a repris l’entreprise familiale, héritant de certains biens fonciers de son père et en achetant d’autres. Il a également ouvert une brasserie avec ses frères. Comme son père, Ezekiel a servi dans la milice britannique pendant la guerre d’Indépendance américaine. De plus, alors que son frère Moses avait été le premier Juif à se présenter aux élections de l’Assemblée législative du Bas-Canada, c’est Ezekiel qui a réussi à se faire élire. Toutefois, son élection en 1807 a donné lieu à une controverse. Il a prêté serment d’entrée en fonctions sur une Bible hébraïque, plutôt que sur la Bible chrétienne requise, malgré le fait que le système judiciaire acceptait déjà cette pratique. L’adversaire électoral d’Ezekiel a alors fait valoir que le statut juif d’Ezekiel annulait à la fois l’élection et son droit de siéger à l’Assemblée. Malgré les relations d’Ezekiel, il a été démis de son siège en 1808. Réélu par la suite, il a prêté serment sur une Bible chrétienne, mais il a été expulsé une nouvelle fois en 1809. Il ne s’est plus jamais présenté à des fonctions publiques.

Les citoyens de Trois-Rivières vénéraient Ezekiel. En 1832, grâce à ses efforts, l’Assemblée a adopté la Loi sur l’émancipation, accordant les pleins droits aux Juifs du Bas-Canada, 27 ans avant tout autre territoire de l’Empire britannique. À sa mort, tous les commerçants trifluviens ont fermé leurs magasins en signe d’hommage. En 1909, les restes de ceux qui avaient été enterrés dans le cimetière juif de la ville, dont Hart, ont été transférés au Cimetière Mont-Royal de Montréal.

À propos de l'auteur

Né dans une famille juive ashkénaze, David Levi (1742-1801) a fait preuve très tôt d’ambition et d’intelligence malgré les maigres moyens de ses parents. Employé comme cordonnier et chapelier, Levi était un autodidacte, étudiant l’hébreu et le Talmud, et il était un avide lecteur de textes juifs et chrétiens. Il s’est avant tout efforcé d’éradiquer les idées fausses qu’entretenaient les chrétiens et les Juifs britanniques sur le judaïsme.

Il a été considéré comme le plus grand spécialiste anglophone du XIXsiècle sur le judaïsme auquel se fiaient les hébraïstes et les auteurs chrétiens, tout comme la communauté juive. Levi a été le premier à écrire en anglais pour des publics juifs et chrétiens. De nombreux Juifs britanniques avaient peu accès à l’hébreu et petit à petit, ils s’étaient désintéressés de cette langue et donc de la littérature de leur religion. Non seulement voulait-il leur fournir des versions claires, impartiales et surtout accessibles de cette littérature, mais aussi clarifier le judaïsme pour le public chrétien, car les textes judaïques de langue anglaise existants fournissaient généralement des informations contradictoires et parfois douteuses.

Par exemple, dans A Letter to the Jews, le théologien et philosophe chrétien Joseph Priestley affirmait que les Juifs subissaient « le mécontentement divin », du fait qu’ils avaient rejeté Jésus à titre de messie. Entre 1793 et 1800, Levi a répondu par un ouvrage en trois volumes examinant les prophéties de l’Ancien Testament relatives aux Juifs, s’appuyant sur des travaux antérieurs adressés directement à Priestley. Il défendit également le judaïsme contre d’autres écrivains et philosophes, en particulier Spinoza, Voltaire, Hume et Paine, ainsi que contre un pair millénariste de Priestley, Richard Brothers, l’un des premiers dirigeants du mouvement israélite britannique, qui se déclara lui-même le messie juif.

La préface de la première publication de Levi, A Succinct Account of the Rites and Ceremonies of the Jews (1782), montre déjà qu’il avait la sensibilité d’écrire tant pour les Juifs que pour les chrétiens. Le but de son ouvrage Lingua Sacra (1785-1787), un dictionnaire et une grammaire hébraïques, était d’aider les Juifs de Londres à renouer avec l’hébreu. Au cours des années suivantes, Levi a également produit des traductions anglaise de la Torah en plusieurs volumes, ainsi que des livres de prières ashkénazes et sépharades (comme ceux de la collection de livres rares de la BPJ) qui ont servi de base à d’autres éditions en Angleterre et aux États-Unis.

Les exemplaires de la BPJ

La BPJ détient deux exemplaires de cette édition d’un livre de prières pour les jours de jeûne. Tous deux mesurent 22 x 13,5 x 3 cm et proviennent probablement du même tirage. L’un des exemplaires a conservé sa reliure d’origine craquelée et décolorée en cuir brun, présentant une dorure le long du bord extérieur de la couverture, y compris sur les nervures horizontales au dos. Le plat recto montre que le livre a déjà servi de sous-verre! Notre autre exemplaire a été relié dans un cuir brun beaucoup plus récent de teinte similaire, mais sans la décoration dorée; le titre du livre est gravé au dos, en anglais. Une fois ouverts, les deux exemplaires apparaissent en relativement bon état, bien que les premières pages de l’exemplaire dont la reliure est originale présentent des signes de rousseur plus importants.

Chacun des deux exemplaires comporte une page titre en anglais et une en hébreu qui se font face, tout comme le texte proprement dit, l’anglais se trouvant au verso et l’hébreu au recto. La page titre en anglais indique que W. Justins of Shoemaker Row, London (UK) a imprimé l’ouvrage « pour l’auteur », tandis que Johnson of St. Paul’s Church-Yard, et Parsons and Walker of Pater Noster Row, l’ont vendu. Le titre en anglais indique la date de publication selon le calendrier juif, plutôt que selon le calendrier grégorien.

Les deux exemplaires portent des traces qui les relient au Canada. Leurs anciens propriétaires ‒ de Montréal ‒ ont signé leurs exemplaires respectifs. La page de garde de l’exemplaire avec la reliure originale présente l’inscription « Rev. Isaac de la Pinchas » au crayon, indiquant que l’ouvrage a appartenu à Isaac de la Penha, chantre et rabbin adjoint de la congrégation Shearith Israël de Montréal, précurseure de l’actuelle Synagogue hispano-portugaise. Né à Amsterdam, de la Pinha, qui était également un diamantaire accompli, est venu de New York à Montréal en 1908; il a été au service de Shearith Israël jusqu’à sa mort en 1935. L’exemplaire qui a reçu une nouvelle reliure porte l’inscription « Rev. Cl. de la Sola » à l’encre brune , juste au-dessus du titre, indiquant que Clarence Isaac de la Sola, homme d’affaires réputé, leader du mouvement sioniste et auteur en a déjà été propriétaire. Ce dernier a conçu le bâtiment qui a abrité Shearith Israël entre 1882 et 1928, et il a également été le trésorier, le parnas (sacristain) et le président de la congrégation. Dans le coin supérieur de la page suivante immédiate, de la Sola aurait écrit à la main « 1880 », et bien que le haut de la page ait été découpé, il est clair qu’un autre nom, peut-être celui de la Sola, avait été inscrit à cet endroit auparavant.

De plus, une liste des souscripteurs (c’est-à-dire des commanditaires de la publication) apparaît à la fin de cette édition. Elle comprend des abonnés britanniques, américains et jamaïcains, ainsi que plusieurs membres de familles juives canadiennes aujourd’hui célèbres, comme Aaron et Ezekiel Hart. Contrairement au reste de l’ouvrage, la liste n’apparaît qu’en anglais et en raison de son orientation, il faut la lire de gauche à droite, du début à la fin.

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