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Jewish Public Library

Antiquités judaïques
(Venise : Renaud de Nimègue, 1481)

À propos du livre

Vers 75 EC, Josèphe a écrit De Bello Judaico (« La Guerre des Juifs »), l’une des cinq principales sources existantes sur la Première Guerre judéoromaine (55-73 EC). Les deux premiers de ses sept volumes résument l’histoire juive depuis la prise de Jérusalem par Antiochus IV Éphiphane jusqu’aux premières étapes de la guerre. Les volumes suivants détaillent les événements de la guerre et se terminent par la mort des derniers Sicaires (zélotes juifs) qui attaquaient furtivement, mais publiquement, les Romains et leurs sympathisants avec de petits poignards, proclamant audacieusement leur opposition farouche à l’occupation de la Judée par Rome.

Josèphe commence De Bello en adressant une salutation désobligeante aux membres de sa communauté juive natale, qu’il qualifie de « barbares de la classe supérieure ». Il semble ensuite essayer de contrer son parti pris évident en soutenant qu’il veut simplement réfuter les récits sur la guerre qui s’opposent aux Romains, et il attribue même aux gouverneurs romains corrompus et incompétents de la Judée une certaine responsabilité dans le conflit. Toutefois, il en rejette finalement la responsabilité sur les zélotes qui ont monté les masses contre lui et d’autres dirigeants aristocratiques. Il estime que les Juifs devraient accepter pacifiquement la domination romaine parce qu’elle est un don de Dieu. Contrairement au Josèphe qui a composé les Antiquités judaïques 20 ans plus tard, le Josèphe qui a rédigé De Bello ne tente pas de réconcilier les visions juive et romaine du monde.

Bien que le plus ancien manuscrit existant, en grec, de l’œuvre de Josèphe constitue la base de toutes les premières traductions, les érudits en la matière s’entendent généralement à dire que le manuscrit original était en araméen, quoiqu’il n’en subsiste aucun. Par conséquent, bien que Josèphe ait, semble-t-il, supervisé la version grecque, l’interprétation du traducteur grec a teinté cette version. Un certain nombre de traductions ultérieures basées sur le grec révèlent une interprétation plus libérale que d’autres. Par exemple, la version qui aurait été achevée en langue slave près d’un millénaire après la mort de l’auteur contient ce qui est décrit comme une « traduction très libre », avec une quantité considérable de texte qui ne se trouve nulle part dans aucune version grecque. Une ancienne version hébraïque existe également, et comprend un nombre similaire de disparités textuelles par rapport à la version grecque. Les versions slave et hébraïque mettent toutes deux en lumière une longue histoire de traduction, d’interpolation et de modification du texte original de Josèphe.

À propos de l'auteur

Natif de Jérusalem, Titus Flavius Josephus, né Yosef ben Matityahu (37-100 EC) a laissé derrière lui un recueil d’écrits historiques qui, encore aujourd’hui, en font un personnage controversé. Bien qu’ils contiennent un témoignage contemporain unique et précieux sur les rébellions juives du Ier siècle contre la domination romaine dans la région de la Terre sainte, connue sous le nom de Judée ‒ ainsi que sur Jésus de Nazareth ‒ ils comportent également de nombreux détails autobiographiques qui demeurent aussi contestés et douteux que les véritables loyautés de Josèphe. Indépendamment du verdict que l’on peut rendre à ce sujet, ses œuvres donnent aux lecteurs une idée des influences concurrentes qu’ont exercées sur lui son judaïsme natal et le christianisme naissant.

Josèphe et son frère avaient des parents qui représentaient la transition de l’époque entre le contrôle juif et non-juif en Judée. Sa mère était une descendante de la dynastie royale des Hasmonéens, les derniers dirigeants juifs du territoire; son père, un Kohen (prêtre juif) de haut rang, s’est fait connaître pour son tact à l’égard de la dynastie hérodienne soutenue par l’Empire romain qui a conquis la Judée et supplanté les Hasmonéens en 37 av. J.-C. Josèphe racontera plus tard qu’il a grandi dans un milieu privilégié et fortuné, où il a reçu une éducation complète.

À 16 ans, Josèphe aurait effectué un long voyage spirituel de trois ans en pleine nature avec un membre d’une secte juive ascétique. À son retour à Jérusalem, il s’est joint aux pharisiens, une autre faction juive qui, fait crucial, ne voyait pas d’inconvénient à ce que les non-Juifs gouvernent la Terre sainte tant qu’ils pouvaient pratiquer leur religion. Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres à venir, il existe de nombreuses spéculations à savoir si Josèphe croyait réellement au dogme pharisien ou s’il s’est simplement associé à ce groupe par opportunisme en prévision de ce qu’il considérait peut-être comme une fin inévitable : la défaite de la révolte juive contre la domination romaine en Judée.

Bien qu’il ait renversé le royaume juif de Judée 60 ans plus tôt, le régime romain a continué de lutter en vue de consolider son pouvoir contre les rébellions juives qui se poursuivaient de façon sporadique. Les hostilités se sont intensifiées et, au début de la vingtaine, Josèphe s’est rendu à Rome pour négocier avec l’empereur Néron la libération et le retour de plusieurs Kohanim (prêtres) capturés. Bien que Josèphe ait réussi sa mission là-bas, la culture et la sophistication romaines qu’il y a rencontrées semblent l’avoir profondément impressionné, tout comme la puissance militaire de l’Empire.

Il est retourné à Jérusalem à la veille de la Première Guerre juive (66-70 EC), une révolte juive générale menée par les zélotes nationalistes et militaristes à la grandeur de la Judée qui a abouti à la mise en place d’un gouvernement révolutionnaire. Josèphe, un modéré autoproclamé, du moins dans ses mémoires, plaide pour la conciliation avec les forces romaines. On pourrait suggérer qu’un ou plusieurs facteurs ont motivé sa prise de position : ses prétendues convictions pharisiennes, sa connaissance des forces armées de Rome ou son appartenance à l’élite. Cependant, dans ce cas précis, il se peut que l’explication la plus logique soit le simple opportunisme, ce qui pourrait également expliquer ses actions ultérieures.

Lorsque les zélotes ont remporté une victoire de guerre précoce en renversant la garnison romaine de Jérusalem, Josèphe s’est rallié à eux de manière pragmatique. Ils l’ont nommé commandant militaire dans la région de la Galilée, même s’il était toujours enclin à la conciliation avec l’Empire. Son point de vue entrait en conflit avec celui de Jean de Giscala, un Galiléen qui avait organisé une milice privée de paysans. Josèphe et Jean perdirent un temps considérable à se disputer le contrôle des opérations rebelles tandis que les forces du général romain et futur empereur Vespasien se préparaient à attaquer. Bien que Josèphe ait écrit plus tard qu’il avait assumé seul la direction des rebelles galiléens, son nouveau statut est devenu un sujet sans intérêt.

En 67 EC, l’armée de Vespasien a massivement détruit la majeure partie de la résistance galiléenne en quelques mois. Dans ses mémoires, Josèphe a rapporté que les Romains l’avaient assiégé, lui et une quarantaine d’autres Juifs. Plutôt que de se rendre, les rebelles avaient choisi de tirer au sort l’homme qui tuerait les autres et se suiciderait ensuite. Josèphe a prétendu que la chance ou une intervention divine lui a permis de « gagner » ce tirage au sort; peu importe quelles ont été les circonstances réelles, il s’est plutôt rendu. Amené devant Vespasien, il a apparemment évité l’exécution grâce à un autre opportunisme : il a prédit l’ascension de ce dernier au poste d’empereur, ce qui impressionna suffisamment Vespasien pour qu’il épargne la vie du général capturé.

Josèphe a passé les deux années suivantes sous les verrous dans un camp romain, alors que ses prévisions gagnaient en crédibilité après la mort de Néron en 68 EC. L’année suivante, les troupes de Vespasien le proclamèrent empereur ‒ et celui-ci libéra Josèphe avec gratitude. À son tour, Josèphe a déclaré son allégeance à l’Empire, adoptant Flavius, le nom de famille de Vespasien, comme son propre nom.

En 70 EC, Josèphe a rejoint les forces romaines sous le commandement de Titus, le fils de Vespasien et futur successeur de l’empereur, alors qu’elles entament la dernière bataille de la guerre : le siège de Jérusalem. Au cours de sept mois de combats brutaux, Josèphe a tenté d’agir en tant que médiateur entre l’Empire et les rebelles, mais son histoire d’alliances changeantes a amené les deux parties à se méfier de lui. Lorsque Jérusalem est tombée aux mains de l’Empire, Josèphe s’est rendu à Rome où, ayant obtenu la pleine citoyenneté et une pension, il passa le reste de sa vie à se consacrer à ses activités littéraires. Outre une traduction espagnole (1536) de La Guerre des Juifs de Josèphe, notre collection comprend une traduction latine de son œuvre Antiquités judaïques datant de 1481, ce qui en fait notre document le plus ancien.

À propos de l'imprimeur

Renaud de Nimègue (actif de 1477 à 1496), très probablement né aux Pays-Bas, a commencé à travailler comme imprimeur à Venise en 1477 en tant que partenaire de l’Allemand Theodor von Rynsburg. En 1479, il a établi sa propre presse, sans doute financée à la suite de son mariage avec Paula de Messina, qui avait déjà survécu à deux maris successifs, tous deux des imprimeurs vénitiens allemands expatriés : Johann de Speier, le premier imprimeur de Venise, et Johann de Cologne.

De Nimègue, qui utilise les deux mêmes caractères gothiques que son ancien partenaire Rynsburg, n’a publié que 38 livres au cours de ses 19 ans de carrière, pour la plupart imprimés entre 1477 et 1483. La mort de sa femme en 1480 explique peut-être cette production sporadique : de Nimègue et ses trois fils ont hérité chacun de la valeur considérable de 500 ducats d’or et de biens, et il a donc pu se permettre de suspendre ses activités sans trop de soucis financiers.

Une autre explication serait que de Nimègue s’intéressait avant tout à la création de caractères typographiques, en particulier des caractères d’écriture musicale, plutôt qu’à l’impression de livres. Les critiques érudites contemporaines et subséquentes du seul livre de musique que sa presse a publié suggèrent que ses efforts étaient considérés comme extrêmement déficients.

La presse de Renaud de Nimègue a cessé ses activités en 1496, mais on ignore si sa mort a coïncidé avec cet incident. D’autres imprimeurs ont par la suite utilisé ses caractères typographiques.

L'exemplaire de la BPJ

Il s’agit du livre imprimé le plus ancien de la collection de livres rares de la BPJ. Il a été produit à Venise à peine 31 ans après que Johannes Gutenberg ait d’abord mis à l’essai son invention révolutionnaire, la presse à imprimer, avec succès. Mesurant 30,5 x 21 x 8 cm, ce livre est également l’un des plus imposants de notre collection; imprimé à l’origine en deux volumes séparés, sa taille et son poids obligent le lecteur à le placer sur une table solide et résistante pour le consulter.

Le plat est constitué de papier marbré rouge avec une demi-reliure en cuir beige, probablement du veau. Une grande partie de la couleur du papier a pâli, tandis que le centre présente des éraflures considérables. Le cuir est relativement en bon état, bien que les coins soient écrasés. Malheureusement, alors que la majeure partie du volume est parfaitement intacte, la reliure s’en est complètement détachée en trois parties : le plat recto, le plat verso et le dos. Le dos présente deux pochettes en cuir rouge, chacune à 11,4 cm du haut et du bas. Chacune comporte également une décoration dorée le long des extrémités supérieure et inférieure du cuir. La case supérieure indique, en or, « Josep. Flavio/Antiquitatis Judaice », tandis que la case inférieure indique « Venetiis » sous lequel est inscrite une date, masquée par les dommages. Le bord antérieur porte l’inscription « JOSEPHUS ».

En ouvrant le plat supérieur de couverture, on remarque un morceau de papier qui adhère à la garde collée endommagée par l’eau et qui indique un ex-libris dactylographié : « FROM. DE. M.C. Cole, Esq. Flat 16, 25 Cheyne Place, London, S.W.3. » Le bord extérieur de la page de garde antérieure révèle des dommages causés par l’eau et une déchirure minime. À environ 2,5 cm de l’extrémité supérieure, une section de 9 x 2 cm semble avoir subi un traitement de restauration, peut-être à l’endroit où une déclaration de propriété antérieure avait été indiquée puis supprimée. Plus récente que la feuille suivante, elle a peut-être été ajoutée lors de la nouvelle reliure de papier marbré, ce qui ne correspond pas à l’époque de production originale, bien qu’il soit possible que la reliure originale en veau ait été utilisée pour la demi-reliure.

La dernière page de garde originale présente un filigrane distinct en forme de croissant renversé avec des lignes de chaîne verticales, visibles sans aide au centre. Cette feuille est plus endommagée que sa prédécesseure, bien que les dommages causés par l’eau soient placés de façon identique. Le prologue de l’œuvre commence sur la feuille suivante, énonçant l’auteur et le titre de l’œuvre. Une empreinte illisible à l’encre noire apparaît à la fois sous le texte et le long du dos, dans le haut de la marge intérieure. L’empreinte semble contenir un écusson, et on peut apercevoir un transfert au verso de la feuille précédente.

Le texte proprement dit commence par une case vide pour une lettre ornée, dans laquelle un « b » minuscule a été imprimé au centre comme note du rubricateur. Les caractères élégants sont gravés dans ce qui semble être une écriture gothique de Schwabacher, une ancienne forme allemande. Les marges sont très grandes par rapport aux normes actuelles, la marge de pied mesurant 7,5 cm et la marge extérieure 6 cm. Les marges intérieures et de tête, chacune d’un modeste 2 cm, se rapprochent davantage du style d’impression actuel.

Les notes marginales apparaissent dès le verso de la première feuille imprimée, et deux mains différentes sont immédiatement identifiables. Au verso de a2, une petite main à l’encre brun foncé a pris des notes brèves, mais lisibles, en latin, et ajouté une manicule ‒ petite illustration d’une main qui pointe ‒ vers le milieu du texte. Dans la marge intérieure au recto de a3, un deuxième auteur a pris des notes presque entièrement illisibles à l’encre marron beaucoup plus claire, également en latin. Cette main semble avoir ajouté un « T » majuscule dans une case vide au verso de a3 en guise de rubrication. Ensemble, ces deux mains prennent des notes tout au long du prologue, bien que la plus petite des deux mains soit plus prolifique.

Ce qui semble être une troisième main apparaît au verso de a6 à l’encre presque noire, moins claire que la première, mais plus claire que la deuxième main. Des notes marginales denses se poursuivent tout au long du Liber Primus, mais la deuxième main disparaît presque entièrement à mi-parcours, n’apparaissant ensuite que très sporadiquement. La première main continue de prendre des notes de façon régulière, incluant la charmante manicule, puis semble cesser complètement à i. En outre, les notes marginales de la troisième main s’arrêtent, ne comportant que des occurrences très mineures par la suite à q5, au milieu du livre 12. Entre q5 et la fin du livre 20, il n’apparaît pratiquement aucune note marginale par l’une ou l’autre des mains identifiables.

Le livre 20 se termine par un colophon dans lequel de Nimègue reconnaît avoir imprimé l’ouvrage en mai 1400, bien qu’il s’agit d’une erreur d’impression, car nous savons qu’elle a été imprimée en 1481. Le verso de la feuille est vierge et on y aperçoit un filigrane différent de celui du début de l’ouvrage : un cercle qui circonscrit deux formes triangulaires adjacentes, surmonté d’une hampe étoilée. La feuille suivante est entièrement vierge. Plus loin, La Guerre des Juifs de Josèphe est annexée, précédée d’un prologue et composée de 7 livres, de a2 à n5. Il est intéressant de noter qu’au moins deux des inscriptions de nos trois auteurs inconnus signalés précédemment reviennent, ainsi que peut-être un quatrième, qui a pris la peine de remplir la plupart des cases vides qui auraient dû contenir une rubrique avec la lettre appropriée. À n5, l’en-tête qui indique le livre particulier De Bello Judaico disparaît, et il semble que Contre Apion de Josèphe y ait été annexé. L’ouvrage se termine à p5 par un autre colophon dans lequel de Nimègue indique en avoir exécuté l’impression à Venise en mars 1481. Ils ont été reliés en ordre inverse afin de préserver la chronologie des événements, plutôt que celle de l’écriture.

Les deux dernières feuilles du volume sont vierges. Une empreinte identique à celles de la première feuille a été apposée au bas du verso de p5, sous le texte. Malheureusement, elle est aussi illisible que les autres. Une partie de l’encre a été transférée sur la feuille vierge, qui est modérément plus endommagée que la page de garde antérieure. Au verso, « Momento di David [?] » est écrit en caractères élégants et délavés; le dernier mot semble avoir été effacé et est illisible. La dernière page de garde est légèrement endommagée, présentant quelques déchirures le long du bord supérieur, et le coin supérieur est plié, ainsi que les coins des trois feuilles précédentes. Près du centre de la feuille, un filigrane bien visible représente un cercle dans lequel a été dessiné un diamant incurvé. Chacun des cinq segments du cercle contient une étoile à six branches, la plus grande se trouvant dans le segment central. Il est intéressant de noter que le filigrane du croissant renversé du début de l’ouvrage est visible à p4. La dernière garde collée est vierge.

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