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Jewish Public Library
À propos du livre

Le kabbaliste espagnol Meir ben Ezekiel Ibn Gabbai a achevé Derekh Emunah (« Le chemin de la foi »), son dernier ouvrage, en 1539. Imprimé pour la première fois à Constantinople (1560), il s’agit de l’explication que donne Gabbai de la doctrine kabbalistique des Sefirot en réponse à dix questions de l’un de ses étudiants, Joseph ha-Levi. Sous forme de questions et de réponses, le livre s’appuie largement sur le Perush ‘Eser Sefirot du kabbaliste du 13e siècle Azriel de Gérone, ainsi que sur le Zohar. Le célèbre imprimeur, éditeur et typographe hébreu Samuel Boehm préface brièvement l’ouvrage en expliquant son rôle à titre d’éditeur. C’est également lui qui a rédigé le colophon, tout aussi sommaire, lequel signale quelques errata. Cependant, malgré ses déclarations apparemment modestes, ainsi que la mention de l’imprimeur Lorenzo Pasqualo sur la page titre, Boehm était probablement le véritable imprimeur de Derekh Emunah. Le livre se termine par une déclaration d’un censeur autorisant la présente édition.

À propos de l'auteur

Il existe peu de renseignements biographiques sur Meir ben Ezekiel Ibn Gabbai (v. 1480-1540). Il est probablement né en Turquie, mais il est associé à l’Espagne, et ses travaux ont contribué de manière significative à la théorie kabbalistique, précédant Moïse Cordovero et Isaac Louria. Parmi ses écrits les plus populaires et les plus importants, son cadre systématique de la kabbale Avodat ha-Kodesh reflète à la fois son étude approfondie et sa réfutation féroce de Maïmonide. Derekh Emunah a été la dernière œuvre de Gabbai. On pense qu’il est mort en Israël.

À propos de l'imprimeur

Des Juifs vivaient à Padoue, près de Venise, depuis le XIIIe siècle et ils avaient établi une yeshiva dirigée par l’éminent rabbin Judah Minz. En outre, l’Université de Padoue ‒ la deuxième plus ancienne d’Italie après celle de Bologne ‒ admettait et inscrivait un nombre relativement important d’étudiants juifs qui constituaient une force culturelle appréciable à Padoue et ailleurs. La ville a également connu une histoire précoce et prestigieuse en tant que centre d’impression : dès 1472 jusqu’à 1600, près de 30 imprimeurs y ont exploité une presse à un moment ou à un autre.

Bien que les souverains vénitiens qui ont gouverné Padoue à cette époque avaient établi un ghetto juif au début des années 1500, tout compte fait, il peut sembler plutôt surprenant que l’impression de livres juifs soit apparue relativement tard à Padoue, en la personne de Lorenzo Pasquale, alias Lorenzo Pasquato (1523-1603). Le premier livre de sa presse, Derekh Emunah du rabbin Meir Ezekiel Ibn Gabbai, est paru en 1562.

Un éditeur chrétien expérimenté dans la publication de livres latins, italiens et grecs, Lorenzo Pasquato, a été l’imprimeur officiel de l’Université de Padoue et le typographe officiel de deux sociétés savantes assez obscures, qui auraient été, semble-t-il, affiliées à cet établissement : l’Académie des Courageux et l’Académie des Maudits. Il s’est probablement lancé dans l’impression hébraïque pour les mêmes raisons que d’autres presses italiennes non juives : les efforts de censure de l’Église catholique ayant abouti à l’interdiction de l’impression en hébreu à Venise en 1553, de petites presses ont cherché à remplacer ailleurs les entreprises vénitiennes fermées. En outre, ce marché de niche attirait moins de concurrence, et donc de meilleures chances de rentabilité, que le secteur du livre en langue italienne.

Lorenzo Pasquato a engagé Samuel Boehm comme principal imprimeur, éditeur et correcteur hébreu de son entreprise. Boehm, qui avait déjà travaillé pour des presses juives à Venise et à Crémone, semble être le véritable éditeur de Derekh Emunah, utilisant les installations et l’empreinte de Pasquato.

Cependant, en 1563, l’interdiction de Venise d’imprimer des livres en hébreu avait pris fin. Quatre ans plus tard, après avoir publié le Derashot ha-Torah du rabbin Shem Tov ibn Shem Tov ‒ là encore, probablement une production de Boehm, sauf de nom ‒ Pasquato cessa d’imprimer des livres en hébreu, ou tout autre livre à Padoue. Sa participation aux activités de la presse hébraïque semble minime, au mieux; même sa marque d’imprimeur habituelle, un lion, n’apparaît pas dans les pages titres de Derekh Emunah et de Derashot ha-Torah.

Pasquato a déménagé et il a réimplanté la plupart de ses activités à Venise, où il est resté un imprimeur extrêmement prolifique qui a publié plus de 200 titres en tout au cours de sa carrière. Les deux fils de Pasquato, Livio et Giovanni Battista, ont hérité de sa presse; Giovanni a été l’imprimeur de l’évêque.

Boehm est apparemment demeuré à Padoue et il a maintenu des liens avec Pasquato jusqu’en 1569, jusqu’à ce qu’il s’installe à Cracovie où il a travaillé pour la presse d’Isaac ben Aaron Prosnitz. Son départ a mis fin à la première tentative intermittente de publier des livres hébraïques à Padoue; d’autres presses ont brièvement ouvert leurs portes entre les XVIIe et XIXe siècles.

L'exemplaire de la BPJ

Notre exemplaire de ce court volume de 28 feuillets ‒ la deuxième impression de l’ouvrage (1563) ‒ est l’un des rares livres en hébreu produits à Padoue au cours du siècle qui a suivi l’interdiction de l’impression hébraïque à Venise en 1553. Il mesure 18,5 x 13,5 x 0,75 cm et une nouvelle reliure est constituée de plats en carton enveloppés de papier marbré rouge, orange et bleu et d’un dos en tissu. Le long du dos, un morceau de papier d’environ 1 cm de large comportant plusieurs lettres dactylographiées en anglais indique la présence d’une étiquette d’identification au dos ou sur la couverture à un certain moment. De même, une autre partie décolorée au dos qui se trouve à 2,5 cm du bas suggère qu’une vignette de forme étoilée y avait été apposée antérieurement.

En ouvrant la première de couverture, on remarque des traces d’autres détails qui ont été retirés. Une vignette – peut-être un ex-libris – avait été appliquée sur la première garde collée puis retirée. Au-dessus, deux mots d’une longue inscription de sept mots au crayon en grande partie effacée et indéchiffrable sont encore visibles (« page titre »), alors qu’un autre mot (« beau ») est à peine discernable.
La page titre présente des rousseurs assez importantes, mais n’a subi aucun autre dommage significatif. Elle renferme un grand cadre architectural gravé sur bois représentant une porte ornée qui entoure le titre du livre et deux blocs de texte. Le cadre se trouve à 3,5 cm du bas de la page et à 4 cm du dos, ce qui rend les marges déjà larges vraiment inégales. Des vignes de lierre s’enroulent autour des piliers à droite et à gauche de la porte, chacun étant surmonté d’une torche. Sous l’arcade de la porte, on aperçoit le visage d’un chérubin, les ailes déployées, et dessiné dans les moindres détails.

Au bas, un plus petit cadre incrusté représente un enfant pensif assis sur un monticule tenant une branche de la main droite, le front appuyé dans la main gauche; son bras gauche plié au coude repose sur une souche d’arbre. Directement sous l’arcade, on peut lire le titre du livre en gros caractères d’imprimerie hébraïque ashkénaze, suivi d’une brève déclaration en caractères similaires, plus petits, indiquant la nature kabbalistique du livre, ainsi que la date et le lieu d’impression et le nom de l’éditeur, « Lorenzo Pasquato et Associés ». Au verso de la page titre, une explication du célèbre typographe, éditeur et correcteur Samuel Boehm décrit comment il en est venu à éditer l’ouvrage. Malgré cette déclaration plutôt modeste, ainsi que l’information figurant tant à la page titre que dans le texte du colophon décrit plus loin, Boehm a probablement été le véritable imprimeur de Derekh Emunah.

Le texte proprement dit commence par la brève introduction de Gabbai au recto du deuxième feuillet. Ce feuillet montre dès lors que Pasquato, ou Boehm, a acquis à juste titre une réputation d’imprimeur de haute qualité, mais même les exemplaires produits avec le plus grand soin peuvent subir des dommages par la suite, comme c’est le cas du nôtre. En comparaison avec l’exemplaire de Yale, qui mesure 21 cm de haut, il se peut que le nôtre ait fait l’objet d’un effort de remboîtage de mauvaise qualité et peut-être aussi d’un rognage plutôt médiocre. Les résultats sont évidents, et on remarque une marge intérieure extrêmement large, soit à peine moins de 3 cm, tandis que la marge extérieure mesure 0,5 cm. De plus, l’impression offset apparente imite verticalement cette conception, avec des conséquences encore plus frappantes. En outre, au haut de la page, on aperçoit seulement les restes de la partie inférieure du texte coupé de la première ligne, même si la marge inférieure, plus que suffisante, mesure 2 cm sous la signature et la réclame. Toutefois, ces problèmes ne gâchent pas systématiquement notre exemplaire. Par exemple, au recto de la partie supérieure du feuillet suivant, le texte a également disparu, mais il reste amplement de place le long de la marge extérieure et, sur les feuillets suivants, le texte a « glissé » vers le bas de la page, le rendant entièrement visible.

Le texte proprement dit apparaît en caractères d’imprimerie hébraïques ashkénazes sur une seule colonne, à l’exception de la toute dernière partie du dernier feuillet. Dans le colophon qui s’y trouve, Boehm a écrit que le monde étant renseigné sur l’art de l’imprimerie, il est inutile de s’excuser pour les quelques erreurs que contient l’ouvrage, qu’il énumère ensuite. Il conclut en déclarant : « Que le ciel bénisse celui qui me juge favorablement. » Immédiatement après cette inscription, le texte en écriture cursive cite le permis de publication de l’inquisiteur en latin. Condition préalable à la publication de livres hébraïques en Italie, le permis énonçait l’autorisation de publier le livre, ainsi que les noms des représentants de l’Église qui l’ont accordée.

Les pages sont généralement en excellent état, celles-ci ne présentant qu’une forte décoloration sans aucun dommage causé par les insectes. Elles sont constituées d’un papier entoilé relativement fin présentant des lignes de chaînes horizontales, et un filigrane qui semble être une ancre rudimentaire entourée d’un cercle et surmontée d’une hampe avec une étoile; l’étoile et la hampe étaient visibles sur le feuillet qui précède celui où apparaît l’ancre, le long du dos au centre. Seul le quatrième feuillet a besoin de restauration étant donné qu’il comporte un rapiéçage mal exécuté aux deux tiers du bord extérieur, masquant partiellement le texte au recto. Contrairement à la première page de garde, la dernière page de garde est lâche, bien que toujours présente, et la garde collée est vierge. Même si la reliure du dos et intacte et qu’elle retient toutes les pages du livre, les pages elles-mêmes se sont complètement détachées de la nouvelle reliure cartonnée. Cette reliure est entièrement intacte, sans dommage le long du dos.

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