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Sefer ha-Shorashim

À propos du livre

Kimhi a écrit Sefer ha-Shorashim (« Le livre des racines »), un lexique biblique hébreu imprimé pour la première fois vers 1480 appelé Ḥelek ha-Inyan (« Section sur les matières »). L’intention de Kimhi à l’origine était de créer Sefer Mikhlol (« Le livre de la complétude ») »), un traité de philologie biblique, avec Ḥelek ha-Dikduk (« Section sur la grammaire). Cependant, Mikhlol est devenu le titre standard utilisé pour Dikduk seulement, et il est demeuré le principal ouvrage du genre pendant de nombreux siècles, réimprimé encore en 1965. Dans Shorashim, Kimhi a introduit un grand nombre d’étymologies inédites : fortement influencé par les recherches de son père Joseph ainsi que par le dictionnaire Kitab al-Usul de Jonah ibn Janah, il a montré des parallèles entre l’hébreu, l’araméen et le provençal.

Kimḥi fut critiqué par des personnalités comme Joseph ibn Kaspi, Profiat Duran, David ben Solomon Ibn Yaḥya et Abraham de Balmes qui l’ont qualifié de grammairien très peu conventionnel. Il a cependant trouvé des défenseurs dans Magen David d’Abraham ben Elisha ben Mattathias, Mikhlol Yofi de Solomon ibn Melekh et les écrits d’Elijah Levita. Finalement, par suite du succès de Mikhlol et de Shorashim de Kimhi, la plupart des œuvres de ses prédécesseurs sont tombées dans l’oubli.

À propos de l'imprimeur

Moses Soncino a probablement imprimé Shorashim. Il était membre de l’une des plus anciennes dynasties d’imprimeurs juifs qui demeurent encore parmi les mieux connues. En 1454, son arrière-grand-père Simon et le frère de Simon, Samuel, tous deux descendants du talmudiste Moïse de Spire, ont quitté Fürth pour s’installer dans la ville italienne de Soncino, adoptant ce nom comme patronyme. Les frères auraient apparemment établi une entreprise bancaire, mais lorsque la ville a ouvert un bureau de prêt public et qu’elle les a contraints à la fermer, le petit-fils de Simon, le médecin Israël Nathan et ses fils Josué et Moïse se sont tournés vers l’imprimerie, en 1483.

Le livre original issu de leur presse a été Berakhot (1484), le premier traité du Talmud jamais imprimé, disposant les commentaires d’une façon maintenant devenue la norme et utilisant un format pour les textes religieux que les imprimeurs juifs et non-juifs ont suivi. Sous la direction de Josué, la presse a également imprimé la première Bible hébraïque complète avec vocalisation (1488). Ces facteurs et des innovations visant à garantir la clarté typographique et l’exactitude du texte ont valu à la presse des Soncino d’être acclamée. Soit dit en passant, Josué y a ajouté la marque bien connue de l’imprimeur de Soncino, une tour.

En 1490, cependant, les persécutions religieuses du duc de Milan ont entraîné l’expulsion de la famille de Soncino. Cet événement, ainsi que la mort de Josué en 1493, aurait pu sonner le glas de la presse. Bien au contraire, Gershom, le fils de Moïse qui avait repris la presse de Josué, a stimulé la croissance de l’entreprise de manière significative. Brillant, prolifique et ambitieux, il a publié plus de 150 textes religieux et profanes en hébreu, grec, latin et italien. Juif fervent, Gershom a également suscité la controverse en réintégrant des parties supprimées d’œuvres juives qu’il savait que l’Église trouverait répréhensibles, et il a intenté un recours en justice contre Alde Mantius, l’accusant d’avoir volé ‒ plutôt qu’inventé ‒ le caractère italique emblématique. Néanmoins, ses publications ont suscité le respect de sommités comme Martin Luther, qui a utilisé la Bible hébraïque de Gershom (1594) pour sa traduction allemande.

Entre-temps, le clan élargi de Gershom s’est établi comme imprimeur partout en Italie et dans l’Empire ottoman. Moïse, par exemple, s’est installé à Salonique vers 1520-1521, la ville étant déjà un refuge bien connu pour les Juifs italiens et ibériques exilés.

À Salonique, la première publication de Moïse fut Sefer ha-ʻIḳarim de Joseph Albo (1521). Il a également imprimé la deuxième édition du texte de Mahzor Catalonia, un manuscrit du XIIIe siècle richement illustré du rite de prière juif de Barcelone, sorti clandestinement d’Espagne dans le sillage de l’Inquisition. Moïse aurait également produit des livres à Rimini. Cependant, après Shorashim, il s’est rendu à Constantinople où son arrière-petit-fils Éléazar lui a succédé.

À partir de la fin du XVIe siècle, aucun Soncino n’est demeuré directement associé à l’imprimerie, mais le nom de la famille a conservé son prestige. En 1924, un groupe d’érudits allemands, dont Albert Einstein, a fondé une presse Soncino à Berlin que les nazis ont fermée en 1937. En 1929, une presse bilingue anglaise et hébraîque établie en Grande-Bretagne a adopté le nom de la famille et elle existe encore aujourd’hui.

L'exemplaire de la BPJ

Moïse Soncino a imprimé notre exemplaire de Shorashim en 1533 à Salonique (aujourd’hui Thessalonique) en Grèce, où sa presse a fonctionné entre 1521 et 1533. Il s’agit de sa dernière publication connue dans cette ville.

L’ouvrage mesure 27 x 19,5 x 3 cm. Une reliure en toile beige, effilochée le long des bords, des coins et du dos dont elle a commencé à se séparer, a remplacé la reliure originale. Le titre de l’ouvrage et le nom de l’auteur sont inscrits à la plume le long du dos; il est intéressant de noter que le titre apparaît en caractères d’imprimerie, tandis que le nom de l’auteur est en script.

La page titre est richement décorée, encadrée d’un motif floral et de poteries sur un fond sombre qui enveloppe le pourtour de la page. Chaque lettre du titre est enchâssée dans son propre petit cadre floral. Plus particulièrement, le titre entier se termine par un motif de fleur de lys. Si le lys était un symbole populaire dans l’art juif ancien, particulièrement dans l’architecture du Premier et du Second Temple et fait peut-être aussi référence aux racines provençales de Kimhi, il était plus fortement associé à la monarchie française, au christianisme, à la Sainte Trinité et à la Vierge Marie au moment de l’impression de l’ouvrage. Le choix d’un tel emblème semble d’autant plus étonnant que ce sont des Juifs italiens qui ont publié cette édition, et ce, au cœur de l’Empire ottoman.

Sous ces inscriptions bigarrées apparaît la marque de l’imprimeur Soncino, une tour crénelée à trois étages.

Se trouvant dans un état précaire, la plupart des pages et le dos ont subi des dommages causés par le ver bibliophage, bien que la couture demeure intacte. Un examen attentif des réparations effectuées au dos révèle qu’un journal de langue anglaise a très probablement été utilisé pour le remboîtage, bien qu’il n’en reste que peu de traces. Les pages ont été considérablement restaurées, en particulier le long des bords, là où les vers avaient causé le plus de dommages. Le papier ayant servi à la restauration était soit vierge, ou encore on y retrouvait de l’écriture généralement en hébreu ou en italien, la majeure partie semblant être antérieure à l’innovation de l’industrie papetière, qui avait délaissé le tissu et utilisait un papier à base de pâte de bois depuis 1843. Malheureusement, les méthodes utilisées pour bon nombre des réparations ont eu pour effet de masquer le lustre d’un côté de chaque page.

Le livre se termine par les mots hébreux « Shlome Soncino », ce qui semble en attribuer l’impression à Josué Solomon Soncino, mais ne tient pas compte du fait que ce dernier est mort quatre décennies plus tôt. Au-dessus de cette mention, deux lettres hébraïques (toutes deux Shin), entourées de la feuille tréflée arborée occasionnellement dans les marges du livre, servent de bref colophon. Ce fait présente un intérêt particulier, étant donné que la BPJ en possède deux autres produits par Soncino à peu près à la même époque (Moses Soncino, Rimini 1524; Moses Parnas pour Eleazar Soncino, Constantinople 1547). Ces deux ouvrages contiennent des cadres de page titre similaires à ceux du présent ouvrage, mais le trèfle et les lettres hébraïques à la fin n’apparaissent que dans celui-ci.

À propos de l'auteur

Né à Narbonne, le rabbin David Kimhi (vers 1160-1235) était le fils de Joseph Kimhi, un grammairien réputé qui s’était réfugié dans cette ville à la suite des persécutions almohades en Espagne. Joseph mourut tôt dans la vie de David, qui a été élevé par son frère aîné, Moïse. Au début de sa vie d’adulte, il enseignait le Talmud pour gagner sa vie.

Connu sous son acronyme hébreu Radak, Kimhi a suivi la voie de son père en tant que grammairien, devenant également philosophe et commentateur biblique, ce dernier rôle étant celui pour lequel il est le mieux connu aujourd’hui. Dans cette fonction, il a utilisé ses connaissances linguistiques, concentrant son analyse sur la langue et la grammaire du texte afin d’en déterminer le sens et la compréhension. Ses commentaires comprenaient également des réfutations efficaces des attaques chrétiennes contre le judaïsme, attirant fréquemment l’attention sur leur mauvaise interprétation de passages de la Bible.

Outre Shorashim et Mikhlol, les travaux de Kimhi en tant que grammairien comprennent Et Sofer (1864), un abrégé de Mikhlol écrit sous forme de manuel pour les personnes qui créent des rouleaux bibliques. Kimhi considérait qu’Et Sofer était une réponse nécessaire à ce qu’il jugeait être une ignorance répandue parmi les scribes. Comme l’ont attesté ses voyages à la recherche d’anciens manuscrits bibliques et diverses observations dans ses commentaires, son intérêt pour l’établissement du texte biblique massorétique « correct » reflétait également son souci de la prolifération contemporaine des traditions de manuscrits bibliques.

Le milieu universitaire juif a accordé un grand honneur à Kimhi, se référant à ses écrits en citant une phrase talmudique qui crée un jeu de mots par hasard sur son nom de famille : « S’il n’y a pas de farine [en hébreu « kemah », d’où provient « Kimhi »], il n’y a pas de Torah ». De même, on peut noter sa profonde influence sur les hébraïsants chrétiens de la Renaissance : Rudimenta Linguae Hebraicae et Lexicon Hebraicum (1506) de Reuchlin, Institutiones (1520) et Thesaurus (1529) de Santes Pagninus reprennent l’essentiel de Kimhi, alors que les écrits de Sebastian Muenster trahissent fortement son influence.

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